Kim Thúy, les coquelicots et la laideur éclipsée

Écouter Kim Thúy raconter sa vie et celles des autres en anecdotes sérieuses ou comiques est tout sauf lassant. Par un jeudi du présent mois, j'étais parmi l'assez nombreuse foule qui venait entendre cette auteure québécoise, maintes fois récompensée pour ses oeuvres littéraires, à la Bibliothèque Armand-Frappier. L'une de ses histoires personnelles m'a bien touchée: il y avait présence de fleur évidemment!

Alors qu'elle était à Paris, l'auteure embarque dans un taxi et se retrouve sur une autoroute des plus communes et laides. Toutefois, la visiteuse remarque quelque chose: des coquelicots bordent les voies rapides! Elle est si pâmée par la vision des soyeuses et pimpantes fleurs rouges, qu'elle tape spontanément l'épaule du chauffeur du taxi (elle ne nous recommande pas de répéter ce geste) et s'exclame: «Mais vous avez des coquelicots!» Et le chauffeur de bougonner «Et puis, il y a plein de déchets sur le bord de la route!» Il ajoute que c'est devenu un fléau, etc. Kim Thúy (il faut l'imaginer à la fois joviale et décidée) lui propose un marché: «Nous parlons de coquelicots d'abord pendant plusieurs minutes et après, nous parlons de vos déchets.»
C'est ainsi que le chauffeur lui raconte que les coquelicots font parti du paysage des champs français où ils sont envahissants (ils sont messicoles, es-tu intrigué par le mot? Clique ici).
Par ailleurs, c'est dans
un champs où la fleur à couleur de crête de coq fleurissait qu'il a connu sa femme et bla bla bla. Le chauffeur de taxi s'est laissé emporter à raconter, oubliant l'entente de parler des déchets après avoir épuisé le temps alloué au coquelicot.
Les coquelicots, Claude Monet, 1873.
Arrivés à destination, le chauffeur annonce à sa cliente «qu'elle l'a bien eu». Respectueuse, Madame Thuy déclare qu'elle est prête à entendre ses histoires de déchets tout en laissant tourner le compteur. Le chauffeur lui râle de sortir de son auto...La beauté l'a remporté sur la laideur.

Kim Thúy semble avoir le secret des gens graves, mais heureux, qui sait voir la beauté là où on ne l'aperçoit pas du premier coup d'oeil. Une qualité extraordinaire qu'il nous faut cultiver autant que possible.

P.S: Kim Thúy, si vous lisez un jour mon billet pardonnez-moi de ne pas être totalement à la hauteur de votre talent de raconteuse! Mais je serai toujours grande...

***
Le coquelicot ou pavot (Papaver rhoeas) est un voyageur aux noms multiples. En français, son nom fait référence à la crête du coq rouge; en turc, gelincik signifie «petite mariée»; lule flanules, veut dire «fleur avec drapeau» en albanais; les Italiens la prénomment rosolaccio ou papavero et les pragmatiques anglophones vous désigneront comme field poppy ou corn poppy cette habitante des champs.
Sur notre terrain, cette annuelle se ressème ici et là en façade depuis plusieurs années. Elle apparaît surtout là où la terre a été remué récemment, à travers les vivaces et c'est bien ainsi. La plante a les parties vertes frêles, ingrates et velues. C'est l'explosion multipliées des têtes rouges qui donnent un effet magnifique. C'est d'ailleurs une fleur attendue par ma fille et mon amoureux qui l'apprécient beaucoup.

Pour se créer un petit champ de jolis minois rouges chez soi, on peut acheter des graines chez West Coast Seeds, entre autres.

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